Les députés ont adopté un amendement au projet de loi de finances qui rebaptise l’actuel impôt sur la fortune immobilière (IFI) en impôt sur la fortune improductive (IFI nouvelle formule). Derrière ce changement de nom se cache une réforme ambitieuse : étendre l’assiette de l’impôt à d’autres formes de patrimoine jugées « non productives », y compris certaines assurances-vie.
Un nouvel impôt au nom symbolique
La fiscalité des plus riches s’est invitée avec force dans les débats budgétaires. Après le rejet de la « taxe Zucman », les députés ont surpris en votant, vendredi 31 octobre, un amendement porté par le député Modem Jean-Paul Mattei, retravaillé par les socialistes. Adopté grâce à une coalition inhabituelle — Modem, PS, RN et Liot —, le texte crée un impôt sur la fortune improductive, qui vise à mieux distinguer les actifs qui contribuent à l’économie réelle de ceux qui ne le font pas. Mais rien n’est encore acté : pour entrer en vigueur, la mesure devra figurer dans la version finale du budget adoptée par le Parlement dans les prochaines semaines.
Ce que recouvre la "fortune improductive"
L’idée est simple : élargir le champ de l’actuel IFI, limité aujourd’hui aux biens immobiliers, à d’autres formes de richesse considérées comme peu ou pas productives. Concrètement, seraient désormais intégrés dans le calcul de l’impôt :
les objets précieux (or, bijoux, pièces de collection),
les voitures de luxe, yachts, avions privés,
les œuvres d’art et meubles de valeur,
et même les actifs numériques (cryptomonnaies notamment).
Mais la principale nouveauté concerne l’assurance-vie. Selon le texte, les contrats non investis dans des supports productifs (par exemple les fonds en euros) seraient désormais soumis à l’impôt, contrairement aux unités de compte, investies sur les marchés financiers. Autrement dit, un capital placé dans des actions resterait exonéré, tandis qu’une épargne « dormante » pourrait être taxée.
Une réforme du barème et quelques exceptions
Autre changement notable : le barème progressif de l’IFI (de 0,5 % à 1,5 % selon les tranches) serait remplacé par un taux unique de 1 %. L’objectif affiché : plus de « lisibilité et d’efficacité ».
Les députés ont aussi introduit une exonération partielle : chaque foyer fiscal pourrait exclure une résidence principale ou secondaire, dans la limite d’1 million d’euros, du calcul de l’impôt.
Initialement, Jean-Paul Mattei voulait aller plus loin en sortant du champ de l’impôt les biens immobiliers productifs — par exemple un logement loué à long terme —, mais cette idée a été écartée. De même, la proposition de relever le seuil d’entrée dans l’IFI de 1,3 à 2 millions d’euros de patrimoine net taxable n’a pas été retenue. Le seuil actuel reste donc inchangé.
Un débat politique sous tension
Comme souvent en matière d’impôt sur la fortune, les positions politiques sont tranchées.
Pour le socialiste Philippe Brun, cette réforme marque « le retour de l’ISF », supprimé par Emmanuel Macron en 2017. Mais à gauche, tout le monde ne partage pas cet enthousiasme. Le président de la commission des Finances, Éric Coquerel (LFI), estime au contraire que « l’IFI a été affaibli sans même rétablir l’ISF », regrettant notamment que les résidences principales puissent être partiellement exonérées.
À droite et au centre, l’initiative du Modem provoque aussi des crispations. Le député Paul Midy (Ensemble) dénonce « un impôt sur la fortune financière, qui reprend le programme du Rassemblement national », tandis que Sylvain Berrios (Horizons) fustige « une alliance improbable entre RN, PS et Modem pour taxer l’épargne des Français via l’assurance-vie ».
Un rendement encore incertain
Reste une question essentielle : combien rapporterait cet impôt ?
Selon la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin, le gouvernement reste sceptique : « Il n’y a pas de certitude sur les recettes attendues. Ce dispositif pourrait devenir une forme d’ISF sur les fonds en euros et les liquidités », a-t-elle estimé en séance.
En d’autres termes, l’amendement pourrait surtout pénaliser les épargnants prudents, ceux qui privilégient la sécurité plutôt que le risque. Et il n’est pas certain qu’il survive à la navette parlementaire : le Sénat, majoritairement de droite, pourrait bien supprimer cette disposition avant l’adoption définitive du budget.
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